Jean-Luc Sadik, président TPS Conseil SAS, en charge à HEC Paris de l’électif consacré aux « Nouveaux Business Modèles du sport ».

 

Les acteurs du sport sont sortis groggy et inquiets d’un confinement qui a reprogrammé nos façons d’être et d’agir. La reprise délicate des activités s’organise, et les idées de fonds de soutien et de financement solidaire, voire d’incitations fiscales se multiplient pour les soutenir face à l’affaiblissement économique qui les menace. Ces réponses immédiates bien que nécessaires paraissent pourtant insuffisantes au regard des enjeux éclairés par la période de confinement.

Leurs modèles de développement, déjà fébriles, sont aujourd’hui bousculés, contraints par un virus qui accélère la nécessité d’agir, et rend très hypothétique tout retour « à la normale » sans vaccin protecteur.

 

Quand l’activité économique se contracte, le sport tousse !

Les signaux d’alertes émis par les clubs amateurs et professionnels en difficulté éclairent la nécessité de recourir à des mécanismes de solidarité, et de questionner des organisations dont les modèles de croissance semblent aujourd’hui inadaptés.

 

Accompagnant depuis 31 ans les acteurs de cet écosystème et fondateur d’un think tank dédié à ses enjeux stratégiques et managériaux, nous identifions quelques pistes pouvant inspirer et accompagner la mise en œuvre de modèles alternatifs.

 

L’appel à projets national, les « Trophées Sport & Management », que nous organisons depuis 2013, nous permet également de distinguer certaines tendances issues du terrain qui orientent nos remarques. Ce dispositif, parrainé par l’ancien ministre des sports M. Roger Bambuck, et présidé par Patrice Hagelauer successeur de Pierre Berbizier, valorise l’innovation sociale et stratégique liée au sport et dans le sport (700 projets examinés).

 

Les organisations sportives sont face à un double challenge. Il leur faut rassurer un tissu associatif affaibli, en quête de repères et de confiance, et l’aider à s’adapter aux nouvelles demandes sociétales émergentes plus orientées vers le sens, le local et l’utile. Elles doivent donc se recentrer sur leur proposition de valeur et l’affirmation d’une raison d’être associée forte, adossée aux besoins réels de leurs « clients », et réinterroger leur fonctionnementhistorique à l’aune du digital, de l’engagement environnemental et d’un leadership revisité.

Beaucoup d’entreprises ont déjà engagé cette transition en promouvant des valeurs partagées et un avenir meilleur dans leur offre à la satisfaction de leurs clients. Les fédérations peuvent s’en inspirer, la crise actuelle les invite à amplifier cette tendance.

 

Le sport à venir sera augmenté et durable.

Les enjeux à relever sont multiples (éducation, sport et santé, sport féminin, lien social, ruralité, handicap, …), et les efforts à fournir conséquents. Les organisations sportives sont désormais invitées à faire preuve d’agilité, de solidarité et de frugalité, à s’ouvrir davantage, et à faire preuve de résilience à l’orée de possibles nouvelles crises redoutées mais envisageables dorénavant. Il leur faut donc apprendre à se synchroniser plus régulièrement à l’évolution d’une demande de pratiques plus forte et plus segmentée, davantage orientée vers des enjeux sociétaux et de bien-être, que compétitifs.  

 

Le pari personnel du dirigeant sportif sera de modifier son mindset en dépassant la pression des échéances politiques et des seuls indicateurs économiques. Pour y parvenir il veillera à acculturer la fédération et sa chaîne de valeur au digital, à requalifier ses liens avec les acteurs territoriaux et à faire évoluer la culture managériale et la gestion des talents. Il lui faudra également susciter la créativité et promouvoir l’expérimentation, encourager le déploiement de nouvelles logiques coopératives (essor de l’Economie Sociale et Solidaire, requalification des liens entre sport professionnel et sport amateur, …), et affirmer la culture de l’évaluation et de la responsabilité.

 

De nouvelles offres auront à émerger. La compétition, la prise de licences et les rentes historiques liées aux subventions ne pouvant plus seules suffire à assurer la compétitivité économique de demain.

 

Les prochaines échéances électorales fédérales qui projetteront vers Tokyo 2021 et Paris 2024 s’annoncent donc charnières pour proposer de nouvelles perspectives au-delà de tout« coronavirus washing ». Les dirigeants sportifs pourraient y trouver l’opportunité de restaurer une relation de confiance abimée depuis plusieurs années avec le terrain.